Le Noyau d’abricot et autres contes de Jean Giono

1001 nuits

Quand on essaie de donner une vue d’ensemble de l’oeuvre de Jean Giono, on trouve généralement commode de dessiner deux grandes périodes que tout opposerait : il y aurait d’un côté les romans des années 30, depuis Colline jusqu’au Chant du monde, des romans dans lesquels la nature occupe une place écrasante, au fond plutôt humaniste voire un brin naïfs ; de l’autre, les romans plus sombres de l’après-guerre, parmi lesquels Un roi sans divertissement occupe la place la plus importante et où la question de l’homme est centrale. Cette classification hâtive ne résiste évidemment pas à l’examen attentif de l’oeuvre de Giono, extrêmement diverse mais finalement toujours reconnaissable à des fils conducteurs solides.

Les quatre contes sélectionnés par Grasset pour figurer dans le Noyau d’abricot, tous écrits dans les années 20, illustrent bien cette constance de Giono à travers les styles : même si le genre choisi ici, celui du conte oriental inspiré des Mille et une nuits qui sont alors le livre de chevet du jeune écrivain, semble nous éloigner radicalement des terres arpentées dans le Hussard sur le toit ou Regain. On y trouvera pourtant des échos des plus intéressants avec l’oeuvre ultérieure de Giono.

le-noyau-d-abricot-et-autres-contesEn attendant ces grands romans, Giono fait ses armes. Sa méthode de travail est simple : les courts textes qu’il écrit sont conçus comme des vignettes venant illustrer un texte dont il s’est imprégné. Cela explique que les quatre contes présentés ici aient souvent plus l’air de poèmes en prose que de véritables contes : narrativement, la plupart ne sont pas très aboutis mais ils se caractérisent par un style recherché et puissamment évocateur. Seul le Noyau d’abricot possède d’ailleurs de vrais airs de conte ; le djinn Nûr s’y voit enfermé par une soupirante déçue dans un abricot, et seule la fille du Calife, en cherchant à déguster le fruit radieux dont il est prisonnier, pourra le libérer. Les autres histoires ne sont que des esquisses.

On y trouve pourtant en germe toute la première période de Giono, dans l’évocation d’une nature bouillonnante, loin d’être passive et qui peut même se faire menaçante. La Provence chère à Giono se fraye même un chemin dans l’Orient des Mille et une nuits, avec le Buisson d’hysope qui ne raconte rien d’autre que la naissance des oliviers. Plus étonnant, la mélancolie de la fille du Calife n’est pas sans évoquer la question de l’ennui qui resurgira dans Un roi sans divertissement :

J’ai peur, disait Dzïss, car si je mets une nouvelle tunique, ou si je pends au-dessus de mes seins des perles fraîches pêchées, ou si je mange les belles confiseries, il me reste après une immense tristesse, un vide dans la tête, un goût de cendre sur la langue, jusqu’au moment où je désire une autre chose qu’hélas ! je prévois suivie de même mélancolies.

Le premier intérêt du Noyau d’abricot est donc de lever le voile sur les années pendant lesquelles Giono a commencé à construire son style et s’emparer de sujets qui resteront pour lui essentiels. Le simple plaisir de lecture, pour ceux qui ne connaîtraient que mal Giono, n’est cependant pas à négliger tant il est évident qu’il fut un des plus délicieux conteurs du XXe siècle.

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