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David Copperfield de Charles Dickens

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Comment s’attaquer à David Copperfield ? Comment dire quoi que ce soit de neuf, de pertinent, sur un classique comme celui-ci ? Comment éviter de se contenter de dire que oui, c’est génial, que cet énorme pavé de 1100 pages mérite bien son statut de classique incontournable de la littérature européenne ?

Prenons une voie de traverse : malgré ce statut d’écrivain incontournable, Dickens souffre chez nous d’une sale image. Dickens, c’est un écrivain qu’on utilise dans les petites classes du collège, avec des versions charcutées d’Oliver Twist ou de David Copperfield, dans lesquels on ne garde que des scènes caricaturales pour les faire ressembler à de petits romans d’aventure sans envergure. On a mis Dickens dans une case un peu bâtarde : il est pour nous un écrivain pour enfants (avec tout ce que cette étiquette comporte de mépris pour beaucoup) bien que tout le monde soit conscient qu’aucun gamin ne pourra ou voudra s’enfiler l’intégralité de ses romans (1100 pages, j’ai dit, et pas si abordables que ça). Et par conséquent, les adultes n’en ont pas bien envie non plus.

J’ai participé à ça aussi, du temps où j’étais prof. Je faisais lire à mes 5e un extrait d’Oliver Twist, le passage où celui-ci rencontre le terrifiant Fagin. Vraiment le cliché du petit orphelin couvert de suie face à un méchant plein de pustules et aux doigts crochus qui lui veut tout le mal du monde. Hors contexte, c’en est ridicule. Ma très grande faute : j’ai peut-être créé encore des dizaines de sceptiques de Dickens.

J’avais tout cela bien en tête en lisant David Copperfield suite à une discussion sur Twitter avec Cachou, qui était loin d’être la première à me faire part de ce genre de réserves sur Dickens, et ne sera sûrement pas la dernière. Je me permets donc de mettre ma casquette de chevalier blanc partant à la rescousse de ce bon vieux Charles que j’aime tant.

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Waterloo Necropolis de Mary Hooper

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La rue était étroite et humide, et l’air était chargé de miasmes fétides. Il y avait un assez grand nombre de petites boutiques, dont tout l’étalage consistait en un tas d’enfants qui criaient à qui mieux mieux, malgré l’heure avancée de la nuit. Les seuls endroits qui parussent prospérer au milieu de la misère générale, étaient les tavernes, où des Irlandais de la lie du peuple, c’est-à-dire la lie de l’espèce humaine, se querellaient de toutes leurs forces. De petites ruelles et des passages couverts, qui çà et là aboutissaient à la rue principale, laissaient voir quelques chétives maisons, devant lesquelles des hommes et des femmes ivres se vautraient dans la boue ; et parfois on voyait sortir avec précaution de ces repaires des individus à figure sinistre, dont, selon toute apparence, les intentions n’étaient ni louables ni rassurantes.

Voilà ce que découvre l’Oliver Twist de Dickens lorsqu’il arrive à Londres pour la première fois. Cette triste description, qu’on pourrait retrouver quasiment à l’identique dans tous les romans de Dickens, c’est le quotidien de Grace et Lily Parkes, deux orphelines qui tentent de survivre dans leur quartier miteux en revendant pour quelques pennies des bottes de cresson achetées le matin au marché. Après la mort de leur mère, Grace, la cadette, s’est vue contrainte de veiller sur son aînée, trop simple pour se débrouiller seule. Pleine de ressources, elle a toujours réussi à la protéger, même quand elles ont dû quitter la maison de charité où un inconnu les a forcé à partager leur lit. Mais l’hiver qui arrive s’annonce particulièrement rude : l’argent se fait rare et la pension où elles habitaient une petite chambre à deux ferme soudain ses portes, rachetée par un homme d’affaires qui veut détruire le bâtiment délabré pour construire des logements plus rentables. Grace et Lily avaient pourtant de grandes espérances : leur mère leur a toujours dit que leur père ne les avait quittées que pour aller faire fortune en Amérique, et qu’il reviendrait les chercher dès que ce serait chose faite. En attendant que leur rêve prenne forme, Grace doit accepter une offre d’emploi peu habituelle : elle sera pleureuse d’enterrement pour Mr et Mrs Unwin, un couple sans scrupules qui a bâti sa fortune sur le commerce de la mort.

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